Cette école, qui fut le lieu de tant d’actes de résistance et de sauvetage mais aussi le point de départ de tant d’engagements résistants, vise aujourd’hui à perpétuer les valeurs qui animaient ces femmes et ces hommes et, qui sont au fondement de la République française.

École et République

En septembre 1939, la déclaration de guerre entraîne de grandes perturbations. 26 000 instituteurs et 5 000 professeurs du secondaire sont mobilisés. 

L’offensive allemande du 10 mai 1940 écourte l’année scolaire dans les régions immédiatement concernées. L’exode jette sur les routes les familles, mais malgré le désordre, le baccalauréat se tient tant bien que mal à la mi-juin alors que nombre d’élèves ne peuvent s’y présenter. L’armistice est signé le 22 juin 1940. 

La rentrée scolaire se déroule en octobre 1940 dans un pays marqué par la désorganisation : des bâtiments sont occupés par les autorités allemandes en zone occupée, obligeant l’installation de classes dans des bâtiments parfois peu adaptés, nombre d’enseignants manquent à l’appel car tués au front, faits prisonniers (ils sont 13139) ou déplacés, comme nombre d’enfants. 

Enfin, très rapidement, l’école fait face aux restrictions et tout vient à manquer : cahiers et encre, crayons et livres, mais aussi éclairage et chauffage.

 

École et Révolution nationale 

L’éducation et l’école constituent des enjeux majeurs pour le nouveau régime. C’est par elles que la Révolution nationale doit être inculquée aux nouvelles générations de Français. Le chef de l’État évoque à de multiples reprises dans ses discours la place de l’école. Désormais, les élèves travaillent sous l’égide du maréchal Pétain, omniprésent dans les salles de classe.

Le 1er octobre 1940, le gouvernement de l’État français adopte les premières lois antisémites, dont le statut des Juifs qui exclut ceux-ci des administrations. L’Éducation nationale est l’une des cibles prioritaires. Plus aucun juif, ne doit travailler au sein de celle-ci, qu’il s’agisse d’enseignants ou de personnels d’encadrement. En quelques semaines, les exclusions sont réalisées.

L’étoile jaune est devenue synonyme de la persécution des Juifs, en France comme à travers l’Europe sous le joug nazi. Cette obligation s’impose à l’ensemble de la population juive, y compris les enfants scolarisés dans le primaire et dans le secondaire. 

École et Résistance 

Dans les établissements scolaires, primaires, secondaires et universitaires, des enseignants et des élèves décident de s’opposer aux autorités d’Occupation ainsi qu’au régime du maréchal Pétain. 

Le sentiment patriotique entretenu par l’École de la Troisième République après la Grande Guerre favorise les propos et les actes anti-allemands et ceux favorables à la France libre ou aux Alliés.

La Résistance dans les établissements repose souvent sur la complicité entre personnels, enseignants ou non, parfois entre enseignants et élèves. Mais, toujours, la menace de la dénonciation demeure. 

C’est pourquoi, à la fois pour limiter les risques et pour agir plus efficacement, les enseignants et les élèves les plus résolus s’engagent en dehors de leur établissement, intègrent un réseau ou un mouvement, et participent avec des hommes et des femmes issus d’autres horizons à la lutte pour la libération de la France.

Comme les prêtres catholiques et les pasteurs protestants, les enseignants furent des interlocuteurs auxquels les Juifs persécutés firent souvent appel entre 1942 et 1944. Ils figurent nombreux parmi les « Justes parmi les Nations ».

Parallèlement à l’engagement des étudiants, des enseignants de l’université rejoignent les rangs de la Résistance. Il faut souligner, en particulier, la création précoce, dès novembre 1940, d’une publication clandestine, « L’Université libre« , autour de trois professeurs parisiens communistes : Georges Politzer, Jacques Solomon et Jacques Decour (Daniel Decourdemanche).

 

« Que, dans chaque village de France, l’instituteur soit le centre de la résistance à l’oppression. »

« L’École laïque », n°13, 11 juin 1942.

École et Répression

Pour l’État français comme pour l’occupant allemand, le monde de l’Éducation est potentiellement dangereux. 

La présence d’enseignants dans les premiers groupes de résistance et celle de lycéens et d’étudiants dans les manifestations du 11 novembre 1940 confirment leurs craintes. Les établissements scolaires et universitaires sont placés sous surveillance. Tout acte d’insoumission ou de contestation doit être dénoncé et sanctionné par les autorités.

L’administration française se charge de rappeler à l’ordre ou de déplacer les récalcitrants. Des élèves sont exclus de leur établissement, des instituteurs et des professeurs sont affectés sur de nouveaux postes ou révoqués. Rapidement, la répression allemande et française prend une forme plus brutale. Les arrestations d’enseignants et d’élèves identifiés comme résistants conduisent à des emprisonnements, des exécutions et des déportations vers les camps de concentration.

 

« Un dernier adieu à tous mes amis, à mon frère que j’aime beaucoup, qu’il étudie, qu’il étudie bien pour plus tard être un homme. »

Guy Môquet, lycéen de 17 ans, Extrait de sa dernière lettre écrite, peu avant son exécution, le 22 octobre 1941.

École et écoliers 

La population juive en métropole comptait environ 70 000 enfants durant la guerre, dont un grand nombre était scolarisé, en particulier avant les grandes rafles de l’été 1942. Environ 11 500 enfants ont été arrêtés et déportés. Mais, malgré le danger, une très grande partie de ces enfants continue à suivre leur scolarité, parfois sous de fausses identités.

L’école reprend officiellement le 2 octobre 1944, mais tous les élèves ne peuvent alors rentrer en classe. Non seulement les Allemands sont toujours présents sur une partie du territoire mais plus de 10 000 écoles ont été endommagées pendant la guerre.

Le retour à l’école, c’est le retour à la vie normale, à un quotidien d’élèves qui peuvent à nouveau étudier mais aussi socialiser. Toutefois, nombre d’entre eux ne sortent pas indemnes de ces années de guerre. Les événements ont séparé des familles, des pères ont vécu en Allemagne, prisonniers ; l’exode a chamboulé des vies ; des lycéens ont été emprisonnés ou fusillés pour faits de résistance, des parents sont morts dans les bombardements. Les traumatismes sont nombreux parmi les enfants, et plus encore, parmi ceux dont les parents ont été déportés à Auschwitz ou dans d’autres centres de mise à mort et qui n’en sont pas revenus. À la sortie de la guerre, ils espèrent encore leur retour. Dans quelques quartiers de la capitale où vivait une communauté juive importante, les effectifs de certaines écoles ont fondu car nombre d’enfants ne sont plus là, engloutis dans les convois de déportation.

École et mémoire 

Dès la rentrée 1944, partout en France, des plaques ou des stèles sont inaugurées dans les établissements scolaires. Parfois, les morts de la Résistance et de la Déportation sont mêlés à ceux des combats de 1940. 

Lancé en 1961, le Concours national de la Résistance et de la Déportation a pour objectif de soutenir la transmission de la mémoire des événements des années 1940-1945.

À partir des années 1990, des plaques sont apposées sur les murs des établissements où ont été scolarisés des enfants juifs déportés et assassinés dans les centres de mises à mort, parfois arrêtés jusque dans leur classe. D’autres rendent hommage aux Justes, enseignants ou non, qui ont permis que l’école demeure, pour beaucoup d’élèves juifs, le refuge qu’elle n’aurait jamais dû cesser d’être.